Non pas sur le sujet de la vaccination, des mesures prises ou à prendre. C’est trop facile de critiquer sans proposer de solutions indiscutables dont personne ne dispose. Mais j’entends vous interpeler sur un vaccin que visiblement vous n’avez pas fait vôtre : celui de la République. La République, c’est le dialogue, le respect des corps intermédiaires, le paritarisme, les syndicats, nos valeurs de progrès pour tous.  La République ce n’est pas l’Etat. Cette confusion que vous entretenez dans une agitation perpétuelle, vous en êtes responsable. Tous les pays ont un Etat mais tous n’ont pas une République. Tous les pays ont un chef d’Etat mais tous n’ont pas un Président de la République. L’Etat, c’est la tête, la République, c’est le cœur, le dialogue social, ce sont les poumons. C’est tout cela le corps social des Français et de la France.

Or, quel est votre bilan républicain? Bien avant l’arrivée de la Covid, face à la gronde et la mobilisation sans précèdent  des gilets jaunes, vous avez préféré endosser votre costume de chef d’Etat en oubliant le dialogue nécessaire, constructif et porteur d’avenir avec ceux qui expriment leur souffrance sociale, leur peur  légitime pour leur avenir. Pis, vous avez théâtralisé cette situation par des réunions qui ont débouché sur… la suppression de l’ENA. Comme si la réponse au chômage consistait à supprimer Pôle Emploi. Chef d’Etat, chef des armés, vous avez joué avec le feu,  l’opinion publique contre la révolte et la grogne qui saccageaient chaque semaine de nombreux quartiers.  Un jeu dangereux car le feu s’est répandu partout et sur tous les fronts.  La Covid a calmé quelque temps cette situation de fronde sans chefs car sans interlocuteurs. A qui la faute ? Victor Hugo l’affirmait déjà : « la foule trahit le peuple ». Des revendications légitimes qui ne demandent qu’à être entendues se sont transformées en manifestations  de guérillas urbaines, ridiculisant « la garde républicaine » et mutilant l’Arc de Triomphe. Pour le triomphe de qui ?

Cette attitude a favorisé la mutation d’un virus plus dangereux que celui de la Covid, qui ne cesse de muter sans s’affaiblir. Bien au contraire, il s’agrège à d’autres sous la dénomination de méfiance vis-à-vis de la République, trompée par le jeu pervers de celui qui peut dire « l’Etat , c’est moi ». Anti vaccins, complotistes, extrémistes, suspicieux… la poudre s’est répandue jusqu’en Outre-mer. Et votre réponse ? « Pourquoi pas plus d’autonomie » que beaucoup peuvent entendre comme plus de désintérêt que de République.

Voilà, c’est le constat d’un « premier de  corvée ». Famille ouvrière, élevé en HLM, 11 ans d’études supérieures pour deux diplômes de troisième cycle, travaillant  le jour pour payer son loyer et ses charges,  étudiant le soir et les fins de semaines, sans aucune bourse… Mais reconnaissant, oui, encore et encore, car je dois  tout à la République et beaucoup moins à l’Etat ! Monsieur le Président et « jeune homme », je n’ai pas attendu conseils et provocations pour trouver du travail en traversant la rue car je sais aussi et depuis toujours qu’il existe des caniveaux à franchir. J’ai pu, grâce à la République, passer de petits boulots à celui de journaliste pour rendre compte non pas de la représentation du monde du travail mais de sa réalité. Toute la différence entre lire la misère des romans de Zola sur les bancs des classes préparatoires et  dialoguer avec le quotidien des gens ordinaires.

Patrick Lelong