Les nostalgiques de la prohibition pourront lever leurs verres en toute clandestinité au centenaire de la prohibition établi par le XVIII amendement en 1919 dans ce merveilleux pays de libertés et de morale que sont les Etats désunis. Et porter un toast en s’écriant 19, 19 ! Le chiffre du plus célèbre du monde.

Certes, aujourd’hui, les acteurs ne sont plus les mêmes, de qualité plus médiocre.  On croise de plus en plus d’Elliot Fitness.

A Paris, il suffit de troquer le XVIII amendent contre le XVIII arrondissement pour rendre compte de l’ambiguïté de la formule « Santé ! ». D’un côté, le long d’un laboratoire de la rue Ordener, des files interminables d’affamées du test COVID. Certains reviennent assez souvent, c’est gratuit. De l’autre, le soir et la nuit, dans des immeubles cossus, au-dessus de bars fermés, des fêtes d’enfer où la jeunesse gesticule, boit à la santé du monde, à plus de 20 dans une pièce et s’exclame « nous ne covidrons pas ensemble ! ». Le seul geste barrière, c’est le prix 150 euros, alcool à volonté. Redécouverte assurée des cocktails que la prohibition avait rendu célèbres le Cuba Libre et le Bloody Mary. La difficulté s’il en est une, c’est le changement de lieux, tous les 15 jours, de quoi relancer la location précaire ou l’échange d’appartements, un concept lui aussi qui nous vient d’Outre Atlantique. Un bonus marketing, souvent gratuit pour les filles. Un mode de prospection : le bouche- à -oreille et les réseaux sociaux.

Certes, les tatillons nous diront que la vente d’alcool interdite après 22 heures, ce n’est pas l’interdiction tout court. Et puis, le respect des libertés (surtout religieuses) n’était pas remis en cause pendant la prohibition puisque le vin de messe restait légal. « Des cons-venant en ». Mais tout de même. Il suffit selon la formule célèbre de traverser la rue pour trouver un nouvel emploi. Et dans des secteurs qui souffrent comme l’évènementiel. Avec en bonus, une absence de charges sociales, pas d’impôt, pas de TVA, aucune paperasse. Une promesse d’économie parallèle d’un marché dynamisé par la répression.

Lutter contre la propagation du virus, oui ! Des gestes barrières, oui ! Des mesures intelligentes, masques, distance entre convives, pas plus de 6 à table, oui !  Du bon sens dans les cafés, oui ! Mais l’imbécilité de mesures d’interdiction si facilement détournées qui créent davantage de mal que de bien, non ! Santé, tout de même…