Comment le séducteur de l’après 11 mai, va-t-il opérer ? Son illustre prédécesseur, celui du 13 mai 68 disposait de quoi battre le pavé pour draguer sur la plage. Mais aujourd’hui on ne plus avancer à visage découvert. Umberto Ecco qualifiait le programme Erasmus- l’échange d’étudiants et d’étudiantes- de révolution sexuelle. Programme aujourd’hui remplacés par » Et raze murs ». On s’évite, on se garde, on ne se touche pas.  Pour attirer l’attention de l’autre, on peut faire le con sur un balcon, sur le net, face à son miroir de salle de bain, mais le stade du miroir, les psy vous le diront ce n’est pas la séduction. Le narcissisme n’est pas le partage, c’est le confinement dans et hors de sa boîte crânienne.

Mais alors comment faire pour draguer à un mètre au moins de distance ? Comment concilier les caresses, les baisers avec les gestes barrières ? D’abord pour ne pas se faire de mal, ne plus écouter la chanson de Brassens « les amoureux qui se bécotent sur les bancs publiques », car le discours amoureux a explosé en fragments. Révolue aussi l’époque où la demoiselle était accompagnée d’un chaperon qui tournait délicatement la tête pour rendre possible un baiser volé. Aujourd’hui, assis sur un banc, il vous sera demandé par la police votre attestation dérogatoire de sortie. Et oui, la séduction devient elle aussi dérogatoire. Il faut dorénavant la justifier quand auparavant il fallait simplement la vivre.

Alors comment faire ? Surtout quand on est timide ? Un sourire ? Mais ça ne se voit pas avec un masque. Un compliment ? « T’as de beaux yeux tu sais », c’est du déjà entendu. « Vous portez un joli masque ? » Et si c’est un masque chirurgical ? De la couleur du bleu ciel qui ne fait pas rêver ? Elle risque de mal le prendre, l’opérée potentielle. Il reste « j’aime bien vos élastiques » pour faire le saut mais c’est oser. Et puis gare à la confusion entre le voile et le masque. Un voile plus un masque, cela fait une burqa. Et cela, c’est une autre histoire.

Bon, il reste le compliment recherché, sophistiqué parfois. L’apostrophe pour jeune de banlieue, « M’dame, t’es belle ! ». Le rythme pour le rappeur, « ma sœur, n’ai pas peur, c’est plus l’heure, c’est un leurre ». Ou le classique pour les lettrés « mignonne allons voir si la rose… ». Et comment Jean Ferra(t) ? « Aimer à perdre la raison, aimer à ne savoir que dire »

Patrick Lelong

5/05/2020