Une grande sécurité sociale qui prendrait en charge la presque totalité des remboursements des dépenses de santé… Une idée simple concoctée par des esprits compliqués et, certainement pas innocents, qui mérite qu’on s’y attarde plus que ne dure le temps des promesses électorales.

Aujourd’hui, la sécurité sociale est le socle du remboursement des dépenses de santé et les complémentaires santés, qui, comme leur nom l’indique, complètent ce que la sécu ne prend pas ou ne prends plus en charge. Cet équilibre entre les secteur publics et privés, lucratifs et non lucratifs reste vertueuxpuisqu’il arrive à conjuguer la libre concurrence entre les acteurs de santé (mutuelles, institutions de prévoyance et assureurs classiques), la responsabilité des engagements financiers et l’innovation en termes de services rendus aux personnes protégées.

Pourquoi vouloir le bouleverser ? Autrement dit à qui profiterait la grande sécu si elle devait voir le jour? Ce qui m’a mis la puce à l’oreille est l’accueil à bras ouverts, totalement inattendu des chantres du libéralisme et plus précisément des plus libéraux d’entre eux. Curieux paradoxe que celui de défendre plus d’implication de l’Etat pour les partisans de moins d’Etat et de plus de concurrence. Où se trouve le loup précédé par le renard ? Les arguments présentés sont habiles. Il s’agit, à priori,  de défendre les plus vulnérables. En particulier, ceux qui n’ont pas de couverture  santé autre que la sécu et les plus de 80 ans dont, selon les projections de le HCAAM,  le coût de la complémentaire santé ne cesse de  grimper.  Une grande sécu ferait-elle mieux que les complémentaires santé ?

L’idée est de faire mieux que les mutuelles et les institutions de prévoyance. Il leur reproché d’afficher des frais de gestion trop importants. L’Etat, volontiers donneur de leçon serait-il-un bon gestionnaire capable de faire mieux avec moins ? Il faut bien comprendre qu’aujourd’hui les Français paient deux fois la sécu. Une fois avec leurs cotisations (couverture santé)mais aussi une autre  fois dans le cadre du remboursement de la dette de la sécu géré par l’Etat. Ce deuxième remboursement dans le cadre de la CADES (créé en 1996) est censé  éponger  « le trop consommé » de la sécu au cours des années précédentes. Il devait prendre fin dans les prochaines années et il a été repoussé. Il le sera toujours car il est financé par la solidarité nationale, autrement dit par l’endettement des générations actuelles et futures, au moyen de l’impôt et des prélèvement obligatoires dont la France est tristement « champion du monde ».

On nous présente ainsi, en voulant mettre en place une grande sécu, une logique de la dépense tout en occultant celle de la dette. Diminuer la dépense en augmentant la dette, c’est ce qui est proposé ici.

Augmenter la CSG, la CRDS appauvrit les Français sans améliorer leur couverture santé. C’est une évidence. Et dans le cadre d’une logique de la dépense dite « contrôlée », c’est à coup sûr un marché de dupes. D’autant que les dépenses de santé augmentent avec l’augmentation de l’espérance de vie car et c’est là la réalité, notre population vieillit. Il faut l’accompagner, non pas la mutiler avec des remboursements au rabais sous prétexte d’économies au fil des ans. Car c’est cela qui nous attend avec la grande sécu. Le projet qui se veut alléchant, exclut les dépassements d’honoraires, autrement dit la réalité des remboursements assumés par les complémentaires santé.

Les complémentaires santé sont responsables, financièrement et socialement. Elles reposent sur l’acceptation de toutes les personnes à protéger, sans exclusion,  ce qui a un coût mais qui ne se traduit pas une couverture au rabais. Et tout compte fait, elles gèrent bien car elles sont responsables de leurs comptes. Elles n’ont ni vocation à faire des profits (très imposés) et n’ont pas recours au robinet des prélèvements obligatoires.

Mais alors, pourquoi les ultra- libéraux, la larme à l’œil, la main sur un cœur, soutiennent-ils la grande sécu ? Il me revient à l’esprit  cette citation d’un économiste libéral, Charles Dunoyer (1786-1862) « Quant l Etat fait le bien, il le fait mal, mais quand il fait le mal, il le fait bien ». A l’évidence, avec une grande sécu qui ne pourra que faire des économies sur la couverture santé et recourir à l’impôt, la situation des plus démunis s’aggravera. Et ceux qui pourront s’offrir une complémentaire santé sur mesure (excluant beaucoup) n’en souffriront pas. Une bonne nouvelle pour certains…Enfin pour les ultra-libéraux avec le recul des protections collectives et l’apologie « du moi d’abord » individuel. Et pour la masse, le coup de masse d’un scénario à 22 milliards d’euros…. A votre bon cœur de contribuable, s’il vous plait.

Vive le République, Vive la Finance !

 

Patrick Lelong, journaliste